J'attendais cette audience depuis le 21 mars 2017. Malheureusement, malgré tous mes efforts, Kader Leye qui a été à l'origine de ma demande de révision par son témoignage affirmant mon innocence, est mort le 29 septembre 2018. C'est un martyr, Se sachant condamné, il voulait à tout prix décharger sa conscience avant de mourir. A cause de la lenteur administrative, il n'a pas pu témoigner. Pire, son visa lui a été refusé alors que lorsqu'il s'agissait de m'accuser, 27 visas avaient été délivrés. C'est un premier scandale.
L'audience s'est déroulée dans la grande salle de la Cour de cassation, malheureusement sans micros. Mes interlocuteurs se trouvaient à plus de 20 mètres, ce qui fait que j'ai très mal entendu le discours de la rapporteure, et au moment de prendre la parole, j'ai dû hurler pour me faire entendre de la Cour.
Voici le texte de mon intervention :
Monsieur le Président, j'ai bien conscience que cette intervention est l'un des moments les plus importants de mon existence.
Si l'on s'en tient à la matérialité des faits, plus personne de sérieux ne peut aujourd'hui mettre en doute mon innocence. Que reste-t-il maintenant des accusations portées contre moi ?
Voulant impérativement décharger sa conscience avant de mourir, Kader Leye a plusieurs fois déclaré devant un huissier de justice que je suis totalement innocent des faits le concernant. Cela explique pourquoi, il a immédiatement été convoqué par la Cour de cassation, mais, alors qu'il avait déjà son billet d'avion, son visa lui a été scandaleusement refusé. La Cour de cassation n'a même pas protesté. Le fait que l'institution policière se place au-dessus de la Justice est exactement ce que l'Union Européenne reproche à la Pologne. Je tiens à signaler que lorsqu'il s'agissait de m'accuser, 27 visas avaient été accordés, dont deux à Kader Leye. Aujourd'hui, les enquêteurs semblent insinuer que j'aurais acheté son témoignage par de nombreux virements bancaires ; je ne me cache pas d'avoir fait ces virements. Pour tout soit bien clair, j'ai toujours fait ces virements de compte à compte, à mon nom et à celui de Kader Leye. La seule exception, c'est lorsque Western Union a bloqué mes virements pour des raisons que j'ignore. Dans l'urgence, j'ai demandé à Cécile Glaise de la faire et pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, j'ai mentionné mon nom sur la feuille de virement. Il était dans mon intérêt que Kader Leye ne meure pas. J'ai donc bien fait de le prendre en charge, et les frais médicaux coûtent très chers au Sénégal et au Maroc. Quelques heures avant sa mort, Kader Leye ne pouvant plus écrire des SMS m'a envoyé trois photos de lui-même en agonie que je vous joins. Cela prouve de façon absolue que ce n'est pas à cause de mes virements qu'il a dit la vérité me concernant.
C'est Kader Leye qui a recherché Maguette Dabo, et a fini par le retrouver en Allemagne grâce à Face BooK. Je précise que je n'ai jamais parlé du fond de mon affaire judiciaire avec aucun de mes accusateurs, ni (à deux exceptions près, sur les quels je pourrais m'expliquer) fait aucun virement avant qu'ils ne témoignent sur mon innocence. Là aussi, c'était mon intérêt de ne pas le perdre de vue, j'ai bien fait de l'aider puisqu'aujourd'hui je sais où il vit, alors que scandaleusement vos enquêteurs prétendent ne pas l'avoir trouvé ! Ils auraient pu me demander ou demander à ma banque ses coordonnées précises. Il me semble que dans toute enquête sérieuse, on se doit impérativement d'entendre les deux parties en cause. On peut parler d'enquête malveillante. Maguette Dabo leur aurait dit avec précision qu'il y avait eu usurpation d'identité devant la cour d'Assise concernant Ibrahima Diallo, ce qui gravissime.
En ce qui concerne le nouveau faux Ibrahima Diallo, je n'étais au courant de rien, sinon je l'aurais bien sûr immédiatement dénoncé. A mon sens, Kader Leye découvrant sur You Tube que Moussa Sow avait, avec certitude, fait venir un faux Ibrahima Diallo devant la cour d'Assise, a voulu faire de même. Kader Leye a été le petit qui a voulu jouer dans la cour des grands. Je constate simplement que votre enquête s'est uniquement intéressée à l'Ibrahima Diallo faux témoin, en ne faisant aucune recherche sur celui qui, pendant quatre semaines, a pris la place du vrai Ibrahima Diallo, devant la cour d'Assise, ce qui me semble beaucoup plus grave, de loin. Vous avez une longue carrière de magistrat derrière vous, avez-vous déjà vu cela ? N'est-ce pas unique dans les annales judiciaires ? Ce qui est certain, c'est qu'aujourd'hui, il n'y a plus aucun Ibrahima Diallo pour m'accuser. Je n'ai donc plus aucune personne qui m'accuse aujourd'hui d'avoir commis, sur elle, la moindre agression sexuelle.
Je sais ce que c'est qu'un institution. J'appartiens à une institution : l’Église catholique. Croyant se défendre, elle a commis la faute abominable de protéger les prêtres pédophiles. La Justice aussi est une institution, il ne faudrait pas que pour se protéger, elle reconnaisse le moins possible les erreurs judiciaires qu'elle aurait pu commettre. Moins de vingt en soixante-dix ans ! Ce serait une grave erreur de croire que c'est protéger la justice que de cacher ses erreurs sous le tapis. La Justice est humaine, il n'est pas indécent de penser qu'elle puisse se tromper ; ce qui serait une erreur, ce serait de ne pratiquement jamais reconnaître ses erreurs ; en particulier dans mon cas.
Je suis certain que, dans un an ou dans cent ans, mon innocence sera reconnue de façon éclatante. C'est du moins ce que pense l'association américaine "Innocence Project" qui a déjà réalisé un premier film sur mon affaire judiciaire. Dans cette affaire, il y a deux victimes : moi et la Justice Française.