Lettre ouverte aux candidats
Au lieu de se battre sur des slogans vides, nos candidats aux élections présidentielles feraient mieux de s'engager sur des objectifs concrets qui pourraient être résolus. Il est un domaine où des décisions immédiates pourraient être prises et ça ne coûterait rien, c'est celui du traitement par la Justice Française des erreurs judiciaires. Il ne faudrait pas qu'il y ait des scandales auxquels on s'habitue.
Nous ne reprochons pas à l'institution judiciaire de se tromper, elle est humaine, nous lui reprochons d'essayer de faire croire qu'elle ne se trompe jamais. Sauf erreur, depuis la Libération, soit depuis 75 ans, la "Justice" française n'a reconnu que douze erreurs judiciaires en matière criminelle ! Pendant ce temps-là, des dizaines de milliers d'erreurs médicales ont été condamnées. Soit nous avons la meilleure justice de monde, soit on se moque du monde !
En 2020 : 128 requêtes en révision ont été déposées devant la chambre de révision de la Cour de cassation, cinq seulement ont été déclarées recevables et font l'objet de nouvelles investigations qui n'aboutiront probablement jamais ! Seznec en a déposé quatorze sans résultat. Pourtant, il est probable que des arguments sérieux existaient pour chacune des personnes qui tentaient de faire reconnaître leur innocence. Mais ce n'est pas fini pour la toute petite minorité qui a réussi à passer à travers les mailles du filet.
Après quelques années de silence total, l'innocent sera convoqué dans la grande salle salle de la Cour de cassation (où les micros ne marchent pas et où il est impossible de se faire entendre, même en hurlant !) Il n'aura jamais été convoqué par les juges, ni même les enquêteurs. "Pas de contradictoire, c'est contraire aux droits de l'homme" disait pourtant un ministre de la justice. Cela empêche l'innocent de s'expliquer, mais cela abouti aussi à des aberrations. Un exemple, la Cour prétend ne pas avoir retrouvé l'un des témoins principaux essentiel dans mon affaire, alors que celui-ci me téléphone régulièrement pour savoir où en est la procédure.
Une erreur judiciaire en matière criminelle est une catastrophe pour la justice, il serait bon que la Cour de cassation prenne exemple sur les enquêteurs du Bureau d'Enquête Accident qui essayent de comprendre ce qui est arrivé après un crash aérien. Ils ne laissent rien de côté et évitent surtout d'avoir des idées préconçues. La lecture des conclusions de la "justice" montre que tout est fait pour éviter la réhabilitation de l'innocent. Lorsqu'elle ne peut pas faire autrement, ce n'est souvent que lorsqu'il y a deux coupables pour un seul crime. Et la victoire n'est alors emportée que de justesse : Pour Patrick Dils, trois juges contre deux ont voté pour qu'il soit rejugé.
Il est plus facile de condamner que d'innocenter. Henri Guillemin, que j'ai enterré par la suite, m'a cité cette phrase de Victor Hugo : "Il serait bon que l'histoire entre dans le temps des aveux. "
Ce que nous demandons, pour améliorer la procédure, c'est que les candidats à la présidentielle s'engagent à ce que les audiences de la chambre de révision de la Cour de cassation soient publiques, et que les innocents ainsi que les témoins soient obligatoirement entendus par les enquêteurs et les juges chargés de l'instruction ; ce serait déjà un immense progrès.
Nous nous reconnaissons dans cette parole de Péguy pendant l'affaire Dreyfus : "Ce que nous défendons, ce n'est pas seulement notre honneur... C'est l'honneur historique de notre peuple, l'honneur de nos aïeux, l'honneur de nos enfants."